qu’il mourrait innocent. Cela fait, il se jeta dans un petit bâtiment, à la garde de Dieu. Mais il y avait trop de gens intéressés à ce qu’il n’échappât point. York voyait en lui le champion intrépide de la maison de Lancastre ; Somerset craignait un accusateur, au retour de sa belle campagne ; l’Angleterre aurait eu à juger, entre lui et Suffolk, qui des deux avait perdu la Normandie.
Selon Monstrelet et Mathieu de Gouci, qui par les Flamands pouvaient savoir très bien les affaires d’Angleterre, celles de mer surtout, ce fut un vaisseau des amis de Somerset qui le rencontra[1]. Ils lui firent son procès à bord ; rien ne manqua pour que la chose eût l’air d’une vengeance populaire ; le pair du royaume eut pour pairs et jurés les matelots qui l’avaient pris. Ils le déclarèrent coupable, lui accordant pour toute grâce, vu son rang, d’être décapité. Ces jurés novices ne l’étaient pas moins comme bourreaux ; ce ne fut qu’au douzième coup qu’ils parvinrent à lui détacher la tête avec une épée rouillée.
Cette mort ne finit rien. L’agitation, la fureur sombre qu’avait mise partout la défaite, étaient bonnes à exploiter. Les puissants s’en servirent ; ils savaient parfaitement, dans ce pays déjà vieux d’expérience, tout ce qu’on pouvait faire du peuple quand il était ainsi malade ; le mal anglais, l’orgueil, l’orgueil exaspéré, en faisait une bête aveugle. On pouvait, pendant
- ↑ « Estant sur la mer, fut rencontré des gens du duc de Sombresset. » (Mathieu de Couci.)