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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/304

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HISTOIRE DE FRANCE

Le duc, ayant compté là-dessus, s’était jeté dans Bruges et avait failli y périr. La duchesse, non moins hardie, avait cru imposer en restant, et le peuple avait arraché d’auprès d’elle la veuve de l’amiral. Nous trouvons ainsi cette princesse mêlée de sa personne dans toutes ces terribles affaires, en Hollande comme en Flandre. Elle se chargea, en 1444, de calmer la révolte des cabéliaux, qui voulaient tuer leur gouverneur, M. de Lannoy, et ils le cherchèrent jusque sous sa robe.

Un jour donc, le doyen des forgerons de Gand plante la bannière des métiers sur le marché, et dit que, puisque personne ne s’occupe de rétablir la paix et le commerce, il faut y pourvoir soi-même. Chacun s’effraie et craint un mouvement de la populace. Mais c’était tout le contraire ; près des forgerons vinrent se ranger les orfèvres, les gros de la ville, les mangeurs de foie[1] ; ils avaient imaginé de faire commencer par les pauvres une réaction aristocratique. Les tisserands même, fort divisés, mais qui après tout mouraient de faim, depuis que la laine anglaise ne leur venait plus, finirent par se mettre du côté de la paix à tout prix.

Un honorable bourgeois fut fait capitaine, et ce qui flatta fort la ville, c’est qu’avec l’autorisation du comte il exerça une sorte de dictature dans la Flandre, menant les milices vers Bruges, et lui signifiant qu’elle eût à se soumettre à l’arbitrage du comte, à recon-

  1. « Jecoris esores. » (Meyer.) Cette qualification haineuse désigne évidemment les gros fabricants, les entrepreneurs, les exploiteurs d’hommes.