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HISTOIRE DE FRANCE

saint Charlemagne ; a eu pitié de la ville d’Orléans et n’a pas voulu souffrir que les ennemis eussent tout ensemble le corps du duc et sa ville[1]. »

Elle entra dans la ville à huit heures du soir (29 avril), lentement ; la foule ne permettait pas d’avancer. C’était à qui toucherait au moins son cheval. Ils la regardaient « comme s’ils veissent Dieu[2] ». Tout en parlant doucement au peuple, elle alla jusqu’à l’église, puis à la maison du trésorier du duc d’Orléans, homme honorable, dont la femme et les filles la reçurent ; elle coucha avec Charlotte, l’une des filles.

Elle était entrée avec les vivres ; mais l’armée redescendit pour passer à Blois. Elle eût voulu néanmoins qu’on attaquât sur-le-champ les bastilles des Anglais. Elle envoya du moins une seconde sommation aux bastilles du nord, puis elle alla en faire une autre aux bastilles du midi. Le capitaine Glasdale l’accabla d’injures grossières, l’appelant vachère et ribaude[3]. Au fond, ils la croyaient sorcière et en avaient grand’peur. Ils avaient gardé son héraut d’armes, et ils pensaient à le brûler, dans l’idée que peut-être cela romprait le charme. Cependant, ils crurent devoir, avant tout, consulter les docteurs de l’Université de

  1. Déposition de Dunois.
  2. Elle semblait tout au moins un ange, une créature étrangère à tous les besoins physiques. Elle restait parfois tout un jour à cheval, sans descendre, sans manger ni boire, sauf le soir un peu de pain et de vin mêlé d’eau.
  3. Les injures des Anglais lui étaient fort sensibles. S’entendant appeler « la putain des Armignats », elle pleura à chaudes larmes et prit Dieu à témoin ; puis se sentant consolée, elle dit : « J’ai eu nouvelles de mon Seigneur. »