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HISTOIRE DE FRANCE

seule, en butte à tous les traits ; il en vint un qui lui traversa la cuisse. Elle essaya de résister à la douleur et resta pour encourager les troupes à donner l’assaut. Enfin, perdant beaucoup de sang, elle se retira à l’abri dans le premier fossé ; jusqu’à dix ou onze heures du soir on ne put la décider à revenir. Elle paraissait sentir que cet échec solennel sous les murs mêmes de Paris devait la perdre sans ressource.

Quinze cents hommes avaient été blessés dans cette attaque, qu’on l’accusait à tort d’avoir conseillée. Elle revint, maudite des siens comme des ennemis. Elle ne s’était pas fait scrupule de donner l’assaut le jour de la Nativité de Notre-Dame (8 septembre) ; la pieuse ville de Paris en avait été fort scandalisée[1].

La cour de Charles VII l’était encore plus. Les libertins, les politiques, les dévots aveugles de la lettre, ennemis jurés de l’esprit, tous se déclarent bravement contre l’esprit, le jour où il semble faiblir. L’archevêque de Reims, chancelier de France, qui n’avait jamais été bien pour la Pucelle, obtint, contre son avis, que l’on négocierait. Il vint à Saint-Denis demander une trêve ; peut-être espérait-il en secret gagner le duc de Bourgogne, alors à Paris.

Mal voulue, mal soutenue, la Pucelle fit pendant l’hiver les sièges de Saint-Pierre-le-Moustier et de La

  1. Ici la violence du Bourgeois est amusante : « Estoient pleins de si grant maleur et de si malle créance, que, pour le dit d’une créature qui estoit en forme de femme avec eulx, qu’on nommoit la Pucelle (que c’estoit ? Dieu le scet), le jour de la Nativité Notre-Dame firent conjuration… de celui jour assaillir Paris… » (Journal.)