Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 7.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
304
HISTOIRE DE FRANCE

événements. Ces impassibles madones savent-elles ce que leurs sœurs vivantes ont éprouvé de Borgia au sac de Forli, de Capoue ? Ces philosophes de l’École d’Athènes peuvent-ils raisonner, calculer, au jour du sac de Brescia, à l’heure où un furieux frappe au sein de sa mère mourante le futur restaurateur des mathématiques ? Et cette Psyché, enfin, peinte deux fois par Raphaël avec tant de charme dans toute sa longue histoire, n’a-t-elle donc pas entendu l’effroyable cri de Milan, torturée par les Espagnols, qui seront à Rome demain.

La comparaison trop fréquente de Virgile et de Raphaël fait, en vérité, au premier une cruelle injure. Le charme de Virgile, sa grâce sainte, c’est justement d’avoir constamment souffert avec l’Italie. Quelque loin qu’en soit le sujet, son âme en est toujours atteinte. Vous sentez partout, avec un attendrissement infini, que le pauvre paysan de Mantoue, le dernier et infortuné représentant des vieilles populations italiques, a en lui un monde de deuil. Poète de l’exil dans la première Églogue et dans tant de passages divers, il l’est même dans la poésie officielle que ses patrons lui commandent. Dans le chant triomphal qu’on lui fait faire pour la naissance d’un petit-fils d’Auguste, il veut être joyeux et il pleure ; ce qui lui vient à la bouche, c’est l’éternel exil de Térée, qui a perdu jusqu’à la figure d’homme, non pourtant le cœur et le souvenir :

« Malheureux ! dans son vol, il revenait planer sur le foyer qui fut le sien ! »