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de ses captivités, de ses passions. Car il avait eu des passions, et violentes, furieuses… Qui alors en avait de telles ? Et la tyrannie de ses passions exigeantes et absorbantes l’avait souvent mené bien bas… Pauvre par la dureté de sa famille, il eut les misères morales, les vices du pauvre, par-dessus les vices du riche. Tyrannie de la famille, tyrannie de l’État, tyrannie morale, intérieure, celle de la passion… Ah ! personne ne devait saluer avec plus d’ardeur cette aurore de la liberté. Il ne désespérait pas d’y trouver la liberté, le renouvellement de l’âme, il le disait à ses amis[1]. Il allait renaître jeune avec la France, jeter son vieux manteau taché… Seulement il fallait vivre encore ; au seuil de cette vie nouvelle qui s’ouvrait, fort, ardent, passionné, il n’en était pas moins entamé profondément ; son teint était altéré, ses joues s’affaissaient… N’importe ! il portait haut sa tête énorme, son regard était plein d’audace. Tout le monde pressentait en lui la grande voix de la France.

Le Tiers fut applaudi en général ; puis, dans la noblesse, le seul duc d’Orléans, le roi enfin, qu’on remerciait ainsi d’avoir convoqué les États. Telle fut la justice du peuple.

Au passage de la reine, il y eut quelques murmures, des femmes crièrent : « Vive le duc d’Orléans ! » croyant la blesser davantage en nommant son ennemi… L’impression fut forte sur elle, elle

  1. Ét. Dumont, Souvenirs, p. 27.