Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il tira de sa poche un affreux morceau de pain noir : « Voilà, dit-il, le pain du paysan. » Le Clergé proposait d’agir, de former une commission pour conférer ensemble sur la question des subsistances, sur la misère des pauvres.

Dangereux piège. Ou l’assemblée cédait, se mettait en activité et consacrait ainsi la séparation des ordres, ou bien elle se déclarait insensible aux malheurs publics. La responsabilité du désordre qui commençait partout tombait sur elle d’aplomb. Les parleurs ordinaires se turent cependant sur cette question compromettante. Mais des députés obscurs, MM. Populus et Robespierre[1], exprimèrent avec violence, avec talent, le sentiment général. On invita le Clergé à venir dans la salle commune délibérer sur ces maux publics dont l’assemblée n’était pas moins touchée que lui.

Cette réponse ne diminuait pas le péril. Quelle facilité la cour, les nobles, les prêtres, n’avaient-ils pas désormais pour tourner le peuple ? Quel beau texte qu’une assemblée d’avocats, orgueilleuse, ambitieuse, qui avaient promis de sauver la France et la laissaient mourir de misère, plutôt que de rien céder d’une injuste prétention !

La cour saisit avidement cette arme et crut tuer l’assemblée. Le roi dit au président du Clergé, qui

  1. Robespierre récrimina avec bonheur. Il dit très bien : « Les anciens canons autorisent, pour soulage le pauvre, à vendre jusqu’aux vases sacrés. » — Le Moniteur, incomplet et inexact, comme il l’est si souvent, a besoin ici d’être complété par Étienne Dumont. (Souvenirs, p. 60.)