Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/196

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raux, elle pâlit au Jeu de paume. La misérable enceinte, toute moderne, nue, démeublée, n’a pas un seul recoin où les songes du passé puissent s’abriter encore. Règnent donc ici l’esprit pur, la raison, la justice, ce roi de l’avenir !

Ce jour, il n’y eut plus d’opposant[1] ; l’Assemblée fut une, de pensée et de cœur. Ce fut un des modérés, Mounier de Grenoble, qui proposa à l’Assemblée la déclaration célèbre : Qu’en quelque lieu qu’elle fût forcée de se réunir, là était toujours l’Assemblée nationale, que rien ne pouvait l’empêcher de continuer ses délibérations ; que, jusqu’à l’achèvement et l’affermissement de la constitution, elle faisait le serment de ne se séparer jamais.

Bailly jura le premier, et prononça le serment si distinctement, si haut, que toute la foule du peuple, qui se pressait au dehors, put entendre, et applaudit, dans l’ivresse de l’enthousiasme… Des cris de : « Vive le roi ! » s’élevèrent de l’Assemblée et du peuple… C’était le cri de la vieille France, dans les vives émotions, et il se mêla encore au serment de la résistance[2].

En 1792, Mounier, émigré alors, seul sur la terre étrangère, s’interroge et se demande si sa proposition

  1. Il y en eut un seul. Les quatre-vingt-dix opposants du 17 juin se rallièrent à la majorité.
  2. L’Assemblée n’alla pas plus loin.

    Elle repoussa la motion forte et vraie de Chapelier, qui avait le tort de dire nettement ce que tous avaient dans l’esprit.

    Il proposait une adresse « pour apprendre à Sa Majesté que les ennemis de la patrie obsèdent le trône, et que leurs conseils tendent à placer le monarque à la tête d’un parti ».