Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’affirmation de Dorset, qu’on eût pu croire mensongère, une fiction, un brandon que nos ennemis jetaient au hasard, parut confirmée par l’imprudence des officiers de la garnison de Brest, qui, sur la nouvelle de la prise de la Bastille, firent la démonstration de se retrancher au château, la menace de traiter militairement la ville, si elle bougeait. C’est ce qu’elle fit à l’instant, elle prit les armes, s’empara de la garde du port. Les soldats, les marins, travaillés en vain par leurs officiers, qui leur donnaient de l’argent, se rangèrent du côté du peuple. Le noble corps de la marine était fort aristocrate, mais nullement Anglais, à coup sûr. Les soupçons ne s’étendirent pas moins sur eux et, d’autre part, sur la noblesse de la Bretagne. Celle-ci s’indigna en vain, en vain protesta de sa loyauté.

L’irritation, portée au comble, faisait croire aux plus noirs complots. La longue obstination de la Noblesse à rester séparée du Tiers dans les États généraux, l’amère, l’âcre polémique qui s’était élevée à cette occasion dans les villes, grandes et petites, dans les villages et hameaux, souvent dans la même maison, avaient inculqué au peuple une idée ineffaçable : que le noble, c’était l’ennemi.

Une partie considérable de la haute noblesse, illustre, historique, fit ce qu’il fallait pour prouver que cette idée était fausse, craignant peu la Révolution, et croyant que, quoi qu’elle fît, elle ne tuerait pas l’histoire. Mais les autres et les plus petits, moins rassurés sur leur rang, plus vaniteux ou plus francs,