Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/327

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blessés aussi chaque jour par l’élan nouveau du peuple qu’ils voyaient de bien plus près, qui les serrait davantage, se déclaraient hardiment ennemis de la Révolution.

Les anoblis, les parlementaires, étaient les plus furieux ; les magistrats étaient devenus plus guerriers que les militaires, ils ne parlaient que de combats, juraient mort, sang et ruine. Ceux d’entre eux qui jusque-là avaient été l’avant-garde de la résistance aux volontés de la cour, qui avaient savouré le plus la popularité, l’amour, l’enthousiasme public, étaient étonnés, indignés de se voir tout à coup indifférents ou haïs. Ils haïssaient, et sans bornes… Ils cherchaient souvent la cause de ce changement si prompt dans l’artificieuse machination de leurs ennemis personnels, et les haines politiques s’envenimaient encore de vieilles haines de familles. À Quimper, un Kersalaun, membre du parlement de Bretagne, ami de La Chalotais, naguère ardent champion de l’opposition parlementaire, puis tout à coup royaliste, aristocrate encore plus ardent, se promenait gravement au milieu des huées du peuple, qui pourtant n’osait le toucher, et, nommant ses ennemis tout haut, disait avec gravité : « Je les jugerai sous peu et laverai mes mains dans leur sang[1]. »

Un de ces parlementaires, seigneur en Franche-Comté, M. Memmay de Quincey, ne s’en tint pas à la menace. Ulcéré probablement par des haines de

  1. Duchatellier, La Révolution en Bretagne, I, 175.