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tituait défenseur des siens. Il devenait, dans sa maison, le magistrat, le roi, la loi et l’épée pour exécuter la loi, conformément au vieux proverbe : Pauvre homme en sa maison roi est.

La main de justice, l’épée de justice, pour ce roi, c’est ce qu’il a, sa faux, au défaut de fusil, son hoyau, sa fourche de fer… Viennent maintenant les brigands !… Mais il ne les attend pas. Voisins et voisins, village et village armés, ils vont voir dans la campagne si ces scélérats oseront venir… On avance, on voit une troupe… Ne tirez pas cependant… Ce sont les gens d’un autre village, amis et parents, qui cherchent aussi[1]

La France fut armée en huit jours. L’Assemblée nationale apprit coup sur coup les progrès miraculeux de cette révolution, elle se vit en un moment à la tête de l’armée la plus nombreuse qui fut depuis les croisades. Chaque courrier qui arrivait l’étonnait, l’effrayait presque. Un jour, on venait lui dire : « Vous avez deux cent mille hommes. » Le lendemain, on lui disait : « Vous avez cinq cent mille hommes. » — D’autres arrivaient : « Un million d’hommes sont armés cette semaine, deux millions, et trois millions… »

    d’Alexandre de Lameth.) Ce qu’il eût dû ajouter, c’est que Mirabeau, Duport, les Lameth, le duc d’Orléans, la plupart des hommes de cette époque, moins énergiques qu’on ne croit, étaient ravis qu’on leur crût une telle énergie, une si vaste influence. Aux accusations ils répondaient peu de chose, souriaient modestement, laissant croire à qui voulait qu’ils étaient de grands scélérats.

  1. Montlosier, Mémoires, I, 233 ; Toulongeon, I, 56, etc.