Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/419

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suivit l’entraînement général, son bon cœur et son courage. Les femmes la mirent à la tête et la firent leur orateur.

Il y en avait bien d’autres que la faim ne menait point. Il y avait des marchandes, des portières, des filles publiques, compatissantes et charitables, comme elles le sont souvent. Il y avait un nombre considérable de femmes de la Halle ; celles-ci fort royalistes, mais elles désiraient d’autant plus avoir le roi à Paris. Elles avaient été le voir quelque temps avant cette époque, je ne sais à quelle occasion ; elles lui avaient parlé avec beaucoup de cœur, une familiarité qui fit rire, mais touchante, et qui révélait un sens parfait de la situation : « Pauvre homme ! disaient-elles en regardant le roi, cher homme ! bon papa ! » — Et plus sérieusement à la reine : « Madame, Madame, ouvrez vos entrailles !… Ouvrons-nous ! Ne cachons rien, disons bien franchement ce que nous avons à dire. »

Ces femmes des marchés ne sont pas celles qui souffrent beaucoup de la misère ; leur commerce, portant sur les objets nécessaires à la vie, a moins de variations. Mais elles voient la misère mieux que personne et la ressentent ; vivant toujours sur la place, elles n’échappent pas, comme nous, au spectacle des souffrances. Personne n’y compatit davantage, n’est meilleur pour les malheureux. Avec des formes grossières, des paroles rudes et violentes, elles ont souvent un cœur royal, infini de bonté. Nous avons vu nos Picardes, les femmes