Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/50

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lui-même, il passât le temps à blâmer le plus laborieux des siècles, celui auquel il doit tout. Nos pères, il faut le répéter, firent ce qu’il fallait faire alors, commencèrent précisément comme il fallait commencer.

Ils trouvèrent l’arbitraire dans le ciel et sur la terre, et ils commencèrent le Droit.

Ils trouvèrent l’individu désarmé, nu, sans garantie, confondu, perdu dans une apparente unité, qui n’était qu’une mort commune. Pour qu’il n’eût aucun recours, même au suprême tribunal, le dogme religieux l’enveloppait en même temps dans la solidarité d’une faute qu’il n’avait pas faite ; ce dogme, éminemment charnel, supposait que, du père au fils, l’injustice passe avec le sang.

Il fallait, avant toute chose, revendiquer le droit de l’homme si cruellement méconnu, rétablir cette vérité, trop vraie, et pourtant obscurcie : « L’homme a droit, il est quelque chose ; on ne peut le nier, l’annuler, même au nom de Dieu ; il répond, mais pour ses actions, pour ce qu’il fait de mal ou de bien. »

Ainsi disparaît du monde la fausse solidarité. L’injuste transmission du bien, perpétuée dans la

    dons, hors la simplicité profonde qui seule fait comprendre l’enfant et le peuple. Donc la Révolution ne put organiser la grande machine révolutionnaire : je veux dire, celle qui, mieux que les lois, doit fonder la fraternité : l’éducation. Ce sera l’œuvre du dix-neuvième siècle ; il y entre déjà par des essais faibles encore. Dans mon petit livre du Peuple, j’ai, autant qu’il était en moi, réclamé le droit de l’instinct, de l’inspiration, contre son aristocratique sœur, la réflexion, la science raisonneuse, qui se croit la reine du monde.