Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/64

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pacifique, dirait doucement à l’ancien : « Je viens accomplir et non abolir… » L’ancien ne se soucie nullement d’être accompli. Ce mot a pour lui quelque chose de funèbre et de sinistre ; il repousse cette bénédiction filiale, ne veut ni pleurs ni prières ; il écarte le rameau qu’on vient secouer sur lui.

Il faut sortir des malentendus, si l’on veut savoir où l’on va.

La Révolution continue le Christianisme, et elle le contredit. Elle est à la fois l’héritière et l’adversaire.

Dans ce qu’ils ont de général et d’humain, dans le sentiment, les deux principes s’accordent. Dans ce qui fait la vie propre et spéciale, dans l’idée mère de chacun d’eux, ils répugnent et se contrarient.

Ils s’accordent dans le sentiment de la fraternité humaine. Ce sentiment, né avec l’homme, avec le monde, commun avec toute société, n’en a pas moins été étendu, approfondi par le Christianisme. À son tour, la Révolution, fille du Christianisme, l’a enseigné pour le monde, pour toute race, toute religion qu’éclaire le soleil.

Voilà toute la ressemblance. Et voici la différence.

La Révolution fonde la fraternité sur l’amour de l’homme pour l’homme, sur le devoir mutuel, sur le Droit et la Justice. Cette base est fondamentale et n’a besoin de nulle autre.

Elle n’a point cherché à ce principe certain un douteux principe historique. Elle n’a point motivé la fraternité par une parenté commune, une filiation