Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/65

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qui, du père aux enfants, transmettrait avec le sang la solidarité du crime.

Ce principe charnel, matériel, qui met la justice et l’injustice dans le sang, qui les fait circuler, avec le flux de la vie, d’une génération à l’autre, contredit violemment la notion spirituelle de la Justice qui est au fond de l’âme humaine. Non, la Justice n’est pas un fluide qui se transmette avec la génération. La volonté seule est juste ou injuste, le cœur seul se sent responsable ; la Justice est toute en l’âme ; le corps n’a rien à voir ici.

Ce point de départ, barbare et matériel, étonne dans une religion qui a poussé plus loin qu’aucune autre la subtilité du dogme. Il imprime à tout le système un caractère profond d’arbitraire dont aucune subtilité ne le tirera. L’arbitraire atteint, pénètre les développements du dogme, toutes les institutions religieuses qui en dérivent, et enfin l’ordre civil, qui lui-même, au Moyen-âge, dérive de ces institutions, en imite les formes, en subit l’esprit.

Donnons-nous ce grand spectacle :

I. Le point de départ est celui-ci : le crime vient d’un seul, le salut d’un seul ; Adam a perdu, le Christ a sauvé.

Il a sauvé, pourquoi ? Parce qu’il a voulu sauver. Nul autre motif. Nulle vertu, nulle œuvre de l’homme, nul mérite humain ne peut mériter ce prodigieux sacrifice d’un Dieu qui s’immole. Il se donne, mais pour rien ; c’est là le miracle d’amour ; il ne demande à l’homme nulle œuvre, nul mérite antérieur.