Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/79

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de l’homme, inventa une machine pour abréger la douleur.

Et elle dira aussi que l’Église au Moyen-âge s’épuisa en inventions pour augmenter la souffrance, pour la rendre poignante, pénétrante, qu’elle trouva des arts exquis de torture, des moyens ingénieux pour faire que, sans mourir, on savourât longtemps la mort… et qu’arrêtée dans cette route par l’inflexible nature qui, à tel degré de douleur, fait grâce en donnant la mort, elle pleura de ne pouvoir en faire endurer davantage.

Je ne puis, je ne veux pas remuer ici cette mer de sang. Si Dieu me donne d’y toucher un jour, il reprendra, ce sang, sa vie bouillonnante, il roulera en torrents, pour noyer la fausse histoire, les flatteurs gagés du meurtre, pour emplir leur bouche menteuse…

Je sais bien que la meilleure partie de ces grandes destructions ne peut plus être racontée. Ils ont brûlé les livres, brûlé les hommes, rebrûlé les os calcinés, jeté la cendre… Quand retrouverai-je l’histoire des Vaudois, des Albigeois, par exemple ? Le jour où j’aurai l’histoire de l’étoile que j’ai vu filer cette nuit… Un monde, un monde tout entier, a péri, sombré, corps et biens… On a retrouvé un poème, on a retrouvé des ossements au fond des cavernes, mais point de noms, point de signes… Est-ce avec ces tristes restes que je puis refaire cette histoire ?… Qu’ils triomphent, nos ennemis, de l’impuissance qu’ils nous ont faite, et d’avoir