Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/90

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L’homme a besoin de justice. Captif dans l’enceinte d’un dogme qui porte tout entier sur la grâce arbitraire de Dieu, il crut sauver la Justice dans une religion politique, se créa d’un homme un dieu de justice, espérant que ce dieu visible lui garderait la lumière d’équité qu’on avait obscurcie dans l’autre.


J’entends ce mot sortir des entrailles de l’ancienne France, mot tendre, d’accent profond : « Mon Roi ! »

Il n’y a pas là de flatterie. Louis XIV jeune fut véritablement aimé de deux personnes, du peuple et de La Vallière.

C’est, dans ce temps, la foi de tous. Le prêtre même semble retirer son Dieu de l’autel, pour faire place au nouveau dieu. Les Jésuites effacent Jésus de la porte de leur maison pour y mettre Louis-le-Grand. Je lis aux voûtes de la chapelle de Versailles : Intrabit templun suum dominator. Le mot n’avait pas deux sens ; la cour ne connaissait qu’un dieu.

L’évêque de Meaux craint que Louis XIV n’ait pas assez foi en lui-même, il l’encourage : « Ô rois, exercez hardiment votre puissance, elle est divine… Vous êtes des dieux ! »

Dogme étonnant ! et pourtant le peuple ne demandait qu’à le croire. Il souffrait tant des tyrannies locales que des points les plus éloignés il appelait le dieu de là-bas, le dieu de la monarchie. Nul mal ne lui est imputé. Si ses gens en font, c’est qu’il est trop haut ou trop loin… « Si le roi savait !… »

C’est ici un trait singulier de la France. Ce peuple