Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/14

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chargée d’ornements légendaires, étrangers à l’histoire des faits. La légende, c’est une autre histoire, l’histoire du cœur du peuple et de son imagination.

Nous avons, dans la scène du 6 octobre, donné un remarquable exemple de ces ornements légendaires qui ne sont nullement des mensonges du peuple ; il y affirme seulement ce qu’il a vu des yeux du cœur.

Écartez les ornements ; ce qui reste, dans la croyance populaire, spécialement en ce qui touche la moralité historique, est profondément juste et vrai.

Il ne faut pas que notre confiance dans une culture supérieure, dans nos recherches spéciales, dans les découvertes subtiles que nous croyons avoir faites, nous fasse aisément dédaigner la tradition nationale. Il ne faut pas qu’à la légère nous entreprenions d’altérer cette tradition, d’en créer, d’en imposer une autre. Enseignez le peuple en astronomie, en chimie, à la bonne heure ; mais quand il s’agit de l’homme, c’est-à-dire de lui-même, quand il s’agit de son passé, de morale, de cœur et d’honneur, ne craignez pas, hommes d’étude, de vous laisser enseigner par lui.

Quant à nous, qui n’avons nullement négligé les livres, et qui, là où les livres se taisaient, avons cherché, trouvé des secours immenses dans les sources manuscrites, nous n’en avons pas moins, en toute chose de moralité historique, consulté avant tout la tradition orale.

Et ce mot ne veut pas dire pour nous le témoignage intéressé de tel ou tel homme d’alors, de tel acteur