Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui médite un bond. Puis, saisissant l’occasion d’un député qui citait, en faveur de l’intolérance, je ne sais quel traité de Louis XIV : « Et comment toute intolérance n’eût-elle pas été consacrée sous un règne signalé par la Révocation de l’Édit de Nantes ?… Si l’on en appelle à l’histoire, n’oubliez pas qu’on voit d’ici, qu’on voit de cette tribune la fenêtre d’où un roi, armé contre son peuple par d’exécrables factieux qui couvraient l’intérêt personnel de celui de la religion, tira l’arquebuse et donna le signal de la Saint-Barthélémy ! »

Et il montrait la fenêtre du doigt, du regard. Elle était impossible à apercevoir de là ; lui, il la voyait en effet, et tout le monde la vit…

Le coup avait porté juste. Ce que l’orateur avait dit révélait précisément ce que le Clergé voulait faire. Son plan était de porter au roi une protestation violente qui eût armé les croyants, de mettre l’arquebuse aux mains du roi, pour tirer le premier coup.

Louis XVI n’était pas Charles IX. Très sincèrement convaincu du droit du Clergé, il eût accepté le péril, pour ce qu’il croyait le salut de la religion. Mais trois choses l’arrêtaient : son indécision naturelle, la timidité de son ministère, plus que tout le reste enfin, ses craintes pour la vie de la reine, la terreur du 6 octobre, renouvelée chaque jour, cette foule émue, menaçante, qu’il avait sous sa fenêtre, ce flot d’hommes qui battait les murs. À toute résistance du roi, la reine semblait être en péril. Elle-même