Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/161

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gner ; admis, pour tout privilège, à payer l’impôt, à payer leur persécuteur, le clergé catholique, à entretenir de leur argent l’autel qui les maudissait.

Les protestants des montagnes cultivaient leur maigre pays. Les protestants des villes faisaient la seule chose qui leur fût permise, le commerce et, à mesure qu’ils se rassuraient, un peu d’industrie. Tenus bas et durement, hors de tout emploi, de toute influence, exclus très spécialement depuis cent années de toute position militaire, ils n’avaient rien des hardis huguenots du seizième siècle ; le protestantisme était retombé à son point de départ du Moyen-âge, industriel, commercial. Si l’on excepte les Cévenols, incorporés à leurs rochers, les protestants en général possédaient très peu de terre ; leurs richesses, considérables déjà à cette époque, étaient des maisons, des usines, mais surtout, mais essentiellement, des richesses mobilières, celles qu’on peut toujours emporter.

Les protestants du Gard étaient, en 1789, un peu plus de cinquante mille mâles (comme en 1698, comme en 1840, le nombre a peu varié), très faibles par conséquent, isolés et sans rapports avec leurs frères d’autres provinces, perdus comme un point, un atome, dans un océan de catholiques, qui se comptaient par millions. À Nîmes, dans la seule ville où les protestants étaient ramassés en grand nombre, ils étaient six mille hommes, en face de vingt et un mille hommes de l’autre religion. Des six mille, trois ou quatre mille étaient des ouvriers