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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/202

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rues toutes pleines de gens armés. Ils reconnurent que, heureusement, c’étaient leurs voisins et amis, les gardes nationales de toutes les communes voisines qui, sur une fausse alarme, avaient marché toute la nuit pour venir les défendre des brigands. On s’attendait à un combat, et ce ne fut qu’une fête. Tous les gens de Chavignon, ravis, sortirent des maisons, se mêlèrent à leurs amis. Les femmes apportèrent, mirent en commun tout ce qu’on avait de vivres ; on ouvrit des pièces de vin. On déploya sur la place le drapeau de Chavignon, où l’on voyait du blé, des raisins, traversés d’une épée nue ; la devise résumait très complètement toute la pensée du moment : « Abondance et sécurité, liberté, fidélité et concorde. » Le capitaine général des gardes nationales qui étaient venues fit un petit discours fort touchant sur l’empressement des communes à venir défendre leurs frères : « Au premier mot, nous avons laissé nos femmes et nos enfants en larmes ; nous avons laissé nos charrues, nos ustensiles, dans les champs… Nous sommes venus, sans prendre le temps de nous habiller tout à fait… »

Les gens de Chavignon, dans une adresse à l’Assemblée nationale, lui racontent tout, comme l’enfant à sa mère, et, pleins de reconnaissance, ils ajoutent ce mot du cœur : « Quels hommes, Messieurs, quels hommes, depuis que vous leur avez donné une patrie ! »

Ces expéditions spontanées se faisaient ainsi, comme en famille, le curé marchant en tête. À celle de