Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/237

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Paris. Leur enthousiasme idolâtrique pour l’Assemblée, pour le roi, eut peine à se soutenir. La plupart venaient pénétrés par un sentiment filial pour ce bon roi citoyen, mêlant dans leurs émotions le passé et l’avenir, la royauté et la liberté. Plusieurs, reçus en audience, tombaient à genoux, offraient leur épée, leur cœur… Le roi, timide de sa nature, de sa position double et fausse, trouvait peu à répondre à cet attendrissement juvénile, si chaleureux, si expansif. La reine bien moins encore ; à l’exception de ses fidèles Lorrains, sujets originaires de sa famille, elle fut généralement assez froide pour les fédérés.

Voilà enfin le 14 juillet, le beau jour tant désiré, pour lequel ces braves gens ont fait le pénible voyage. Tout est prêt. Pendant la nuit même, de crainte de manquer la fête, beaucoup, peuple ou garde nationale, ont bivouaqué au Champ de Mars. Le jour vient ; hélas ! il pleut ! Tout le jour, à chaque instant, de lourdes averses, des rafales d’eau et de vent. « Le ciel est aristocrate, » disait-on, et l’on ne se plaçait pas moins. Une gaieté courageuse, obstinée, semblait vouloir, par mille plaisanteries folles, détourner le triste augure. Cent soixante mille personnes furent assises sur les tertres du Champ de Mars, cent cinquante mille étaient debout ; dans le champ même devaient manœuvrer environ cinquante mille hommes, dont quatorze mille gardes nationaux de province, ceux de Paris, les députés de l’armée, de la marine, etc. Les vastes amphithéâtres de Chaillot, de Passy, étaient chargés de spectateurs. Magnifique