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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/239

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tous rêvaient, cherchaient ce jour !… Le voici ! Que désirons-nous ? Pourquoi ces inquiétudes ? Hélas ! l’expérience du monde nous apprend cette chose triste, étrange à dire et pourtant vraie, que l’union trop souvent diminue dans l’unité. La volonté de s’unir, c’était déjà l’unité des cœurs, la meilleure unité peut-être.

Mais silence ! Le roi arrive, il est assis, et l’Assemblée, et la reine dans une tribune qui plane sur tout le reste. La Fayette et son cheval blanc arrivent jusqu’au pied du trône ; le commandant met pied à terre et prend les ordres du roi. À l’autel, parmi deux cents prêtres portant ceintures tricolores, monte d’une allure équivoque, d’un pied boiteux, Talleyrand, évêque d’Autun : quel autre, mieux que lui, doit officier, dès qu’il s’agit de serment ?

Douze cents musiciens jouaient, à peine entendus ; mais un silence se fait : quarante pièces de canon font trembler la terre. À cet éclat de la foudre, tous se lèvent, tous portent la main vers le ciel… Ô roi ! ô peuple ! attendez… Le ciel écoute, le soleil tout exprès perce le nuage… Prenez garde à vos serments !

Ah ! de quel cœur il jure, ce peuple ! Ah ! comme il est crédule encore !… Pourquoi donc le roi ne lui donne-t-il pas ce bonheur de le voir jurer à l’autel ? Pourquoi jure-t-il à couvert, à l’ombre, à demi caché ? Sire, de grâce, levez haut la main, que tout le monde la voie !

Et vous, Madame, ce peuple enfant, si confiant, si