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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/301

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sérieuses, avec toute la ferveur de leurs cœurs de femmes, une ardeur aveugle, confuse, d’affections et d’idées, l’esprit de prosélytisme, toutes les passions du Moyen-âge au service de la foi nouvelle. Celle dont nous parlons ici avait été sérieusement éprouvée ; c’était une dame juive qui vit se convertir toute sa famille et resta israélite ; ayant perdu son mari, puis son enfant (par un accident affreux), elle semblait, en place de tout, adopter la Révolution. Riche et seule, elle a dû être facilement conduite par ses amis, je le suppose, à donner des gages au nouveau système, à y embarquer sa fortune par l’acquisition des biens nationaux.

Pourquoi cette petite société fait-elle sa fédération à part ? C’est que Rouen en général lui semble trop aristocrate, c’est que la grande fédération des soixante villes qui s’y réunissent avec ses chefs, MM. d’Estouteville, d’Herbouville, de Sévrac, etc., cette fédération mêlée de noblesse, ne lui paraît pas assez pure ; c’est qu’enfin elle s’est faite le 6 juillet, et non le 14, au jour sacré de la prise de la Bastille. Donc, au 14, ceux-ci, fièrement isolés chez eux, loin des profanes et des tièdes, fêtent la sainte journée. Ils ne veulent pas se confondre : sous des rapports divers, ils sont une élite, comme étaient la plupart de ces premiers Jacobins, une sorte d’aristocratie ou d’argent, ou de talent, d’énergie, en concurrence naturelle avec l’aristocratie de naissance.

Peu de peuple, à cette époque, dans les sociétés