Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/34

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fille de la philosophie et non pas du déficit. Aux portes des boulangers, comme aux portes de l’Assemblée, on parlait de la disette moins que du veto, moins que du dernier discours qu’avait prononcé Mirabeau ; on discutait les Droits de l’homme, etc. C’est ce que les royalistes, confondus, ont appelé la folie de cette époque ; c’est sa gloire, à notre avis.

Étranges amis du peuple que ceux qui, adoptant à l’aveugle la tradition royaliste, rabaisseraient ces luttes d’idées aux querelles de famine !

Partout où ils rencontrent du pillage, du brigandage, « c’est le peuple, voilà le peuple… » Et que diraient donc de plus ses cruels ennemis ?

On croirait qu’ils sont ennemis systématiques de la propriété. Ils ne savent pas bien ce qu’ils sont ; ils restent, sur ce point, dans une sorte d’éclectisme, comme leur ami Marat.

Préoccupés exclusivement de Paris, des tendances aristocratiques de la garde nationale de Paris, ils croient voir partout la lutte du peuple et de la garde nationale. Que ne consultent-ils les hommes du temps qui vivent encore ? Ils leur diraient que, de juillet 1789 à juillet 1790, et même au delà, la garde nationale, c’était tout le monde en France. Paris et quelques grandes villes font seules exception à cela. Le charbonnier, le porteur d’eau, le commissionnaire du coin de la rue, montait sa garde à côté du propriétaire, du riche. Notre cher et vénérable M. de Lamennais m’a conté qu’au moment où les villes de Bretagne défendirent du pillage les châteaux des