Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/33

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la dîme, abolissait l’impôt indirect, mettait en vente à vil prix des milliards de biens, était une révolution tout indifférente au peuple, œuvre des bourgeois faite uniquement pour l’intérêt des bourgeois. Burke et le clergé ont dit ces choses, mais quel homme sensé les croira ?

Malouet, en 1789, fit la proposition infiniment dangereuse de voter une vaste taxe des pauvres, qui, mise entre les mains du roi, tournait la Révolution exactement à rebours, faisant du roi le tribun des indigents, le nourricier des affamés, le capitaine peut-être des mendiants contre la Révolution. L’Assemblée répondit noblement par des sacrifices personnels, par l’immortelle nuit du 4 août.

En 1790-1791, le club des Amis de la constitution monarchique usa de la même recette. Il se mit à distribuer des bons de pain, non aux plus affamés, mais aux travailleurs robustes. Les Jacobins regardèrent cette tentative comme tellement dangereuse qu’ils eurent recours aux violentes émeutes pour détruire ce club.

Tout était gagné pour les royalistes, s’ils avaient pu obscurcir la question politique, en faire une question sociale, la guerre des bourgeois et du peuple, puis intervenir, faire accepter au peuple du pain, en place de ses droits. Ils avaient compté sans lui. Tout affamé qu’il était, il subordonna la question du ventre à la question d’idées. On vit alors, dans les plus extrêmes épreuves, combien la Révolution était, dans son principe, glorieusement spiritualiste,