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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/340

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de sûr, nul homme qui donnât confiance. Des tribunes de l’Assemblée et de celle des Jacobins il regardait, il cherchait une figure d’honnêteté et de probité. Dans celles même de ses défenseurs, les unes ne disaient qu’intrigues, fatuité, insolence, les autres que corruption.

Une seule figure rassurait et disait : « Je suis honnête[1]. » L’habit le disait aussi, le geste le disait aussi. Les discours n’étaient que morale, intérêt du peuple, les principes, toujours les principes. L’homme n’était pas amusant, la personne était sèche et triste, aucunement populaire, mais plutôt académique, en un sens même aristocratique, par la propreté extrême, le soin, la tenue. Nulle amitié, nulle familiarité ; même les anciens camarades de collège étaient tenus à distance.

Malgré toutes ces circonstances peu propres à populariser, le peuple a tellement faim et soif du droit que l’orateur des principes, l’homme du droit absolu, l’homme qui professait la vertu, et dont la figure sérieuse et triste en semblait l’image, devint le favori du peuple. Plus il était mal vu de l’Assemblée, plus il était goûté des tribunes. Il s’adressa de plus en plus à cette seconde assemblée, qui, d’en haut, planait sur les délibérations, se croyait en réalité supérieure, et comme Peuple, comme

  1. Sa figure, qui fut toujours triste, n’avait pas à cette époque l’aspect fantasmagorique et sinistre qu’elle prit plus tard. Un beau médaillon qui subsiste (de Houdon ou de son école, en possession de M. Lebas) indique, s’il est fidèle, l’amour du bien, la rectitude, seulement une tension forte et peut-être ambitieuse.