Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/351

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justement comme eût fait Voltaire, et, ravi de leur esprit, s’écrier : « Ce sont des Athéniens ! »

Cette foi au peuple fit que les Cordeliers furent tout-puissants sur le peuple. Ils eurent les trois forces révolutionnaires, et comme les trois traits de la foudre : la parole vibrante et tonnante, la plume acérée, l’inextinguible fureur, — Danton, Desmoulins, Marat.

Ils trouvèrent là une force, mais aussi une faiblesse, l’impossibilité d’organisation. Le peuple leur parut entier dans chaque homme. Ils placèrent le droit absolu du Souverain dans une ville, une section, un simple club, un citoyen. Tout homme aurait été investi d’un veto contre la France. Pour mieux rendre le peuple libre, ils le soumettaient à l’individu.

Marat, tout furieux et aveugle qu’il était, semble avoir senti le danger de cet esprit anarchique. De bonne heure il proposait la dictature d’un tribun militaire, plus tard la création de trois inquisiteurs d’État. Il semblait envier l’organisation de la société jacobine. En décembre 1790, il proposait d’instituer, sans doute à l’instar de cette société, une confrérie de surveillants et délateurs, pour épier, dénoncer les agents du Gouvernement. Cette idée n’eut pas de suite. Marat fut à lui seul son inquisition. De toute part on lui envoyait des délations, des plaintes, justes ou non, fondées ou non. Il croyait tout, imprimait tout.

Fabre d’Églantine a dit : « La sensibilité de Marat. »