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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/43

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saint Louis est un juste juge, même contre la royauté. Philippe-le-Bel, poussé par le pape, atteste le salut public (c’est le mot même dont il se sert). Louis XI l’applique aux seigneurs.

Demandez à chaque système pourquoi ces moyens violents, peu en rapport avec le principe élevé qu’il mit en avant d’abord, il répond : « Il faut que je vive ; la première loi est le salut. » — Et c’est par là qu’il périt.

Ces remèdes héroïques ont cet infaillible effet de donner une vigueur nouvelle à ce que l’on veut détruire. Le fer a une force vivifiante qui fait végéter ce qu’on coupe ; c’est comme la taille des arbres. Torquemada, par les bûchers, enfante des philosophes. Louis XI, par les gibets, réveille l’âme féodale pour le siècle qui va suivre. Marat, en aiguisant le couteau de la guillotine, ne fait que des royalistes et prépare la réaction.

Les hommes de la Révolution, fort courageux et dévoués, manquèrent, il faut le dire, de cet héroïsme d’esprit qui les eût affranchis de la vieille routine du salut public, appliquée par les théologiens, formulée, professée par les juristes depuis le treizième siècle, spécialement en 1300 par Nogaret sous son nom romain de salut public, puis par les ministres des rois sous le nom d’intérêt, de raison d’État.

Nos révolutionnaires retrouvèrent cette doctrine dans Rousseau ; ils la suivirent docilement. Les vingt années qui suivent Rousseau ne leur donnaient nulle idée essentielle de plus. Eux-mêmes, emportés