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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/443

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eût été impatient d’en finir, il augmenta encore, dans ce mois qui fut pour lui le dernier, la furieuse dépense de vie qui lui était ordinaire. Nous le retrouvons partout, il accepte au département, dans la garde nationale, de nouvelles fonctions. À peine il quitte la tribune, versant sur tous les sujets la lumière et le talent, descendant aux spécialités qu’on eût cru lui être le plus étrangères (je pense aux discours sur les mines).

Il allait, parlait, agissait et pourtant se sentait mourir, il se croyait empoisonné. Loin de combattre sa langueur par une vie différente, il semblait plutôt se hâter à la rencontre de la mort. Vers le 15 mars, il passa une nuit à table avec des femmes, et son état s’aggrava. Il n’avait que deux goûts prononcés, les femmes et les fleurs : encore il faut ici s’entendre ; jamais de filles publiques[1] ; le plaisir, chez Mirabeau, ne fut jamais séparé de l’amour.

Le dimanche 27 mars, il se trouvait à la campagne, à sa petite maison d’Argenteuil, où il faisait beaucoup de bien. Il avait toujours été tendre aux misères des hommes et le devenait encore plus aux approches de la mort. Il fut saisi de coliques, comme il en avait eu déjà, mais accompagnées d’angoisses inexprimables, se voyant là mourir seul,

  1. Étienne Dumont, ch. xiv, p. 273. — Mirabeau travaillait toujours environné de fleurs. Il avait des goûts plus délicats qu’on n’a dit. Il était assez grand mangeur, comme un homme de sa force et qui dépensait tant de vie, mais il ne faisait aucun excès de boisson ; son éloquence ne sortait pas du vie, comme celle de Fox, Pitt et autres orateurs anglais.