Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/490

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nombre dans les maisons royales, dans les Tuileries. Il ne connaissait rien aux intrigues du clergé, ne voyait point en lui ce qu’il était, l’organisateur de la guerre civile ; il oubliait entièrement la question politique, réduisait tout à celle de la tolérance religieuse. Chose remarquable, des politiques même, des philosophes, nullement chrétiens, Sieyès, Raynal, en jugeaient ainsi ; leurs réclamations pour les prêtres durent confirmer Louis XVI dans son opposition au mouvement révolutionnaire. Lui, qui avait accordé la tolérance aux protestants, comment n’en jouissait-il pas au sein de son propre palais ?… Il se crut libre de tout serment, dégagé de tout devoir. Contre la Révolution, il crut voir la raison et Dieu.

Qu’il le voulût ou non, d’ailleurs, la contre-révolution n’allait-elle pas s’opérer ? Son frère, le comte d’Artois, était alors à Mantoue, auprès de l’empereur Léopold, avec les ambassadeurs d’Angleterre et de Prusse (mai 1791). C’était, en réalité, un congrès où l’on traitait les affaires de France. Si le roi n’agissait pas, on allait agir sans lui. Il ne tenait pas grande place dans le plan du comte d’Artois ; ce plan belliqueux, arrangé par son factotum Calonne, supposait que cinq armées, de cinq nations différentes, entraient en France en même temps. Nul obstacle : le jeune prince, sans autre retard que les harangues obligées aux portes des villes, menait gaiement toute l’Europe souper à Paris. Il était, dans cette Iliade, l’Agamemnon, le roi des rois, il faisait grâce et justice, régnait… Et le roi ? il n’en aurait que plus de temps