Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/489

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Il écrivit dans la lettre qu’exigeait Bouillé, qu’à aucun prix il ne voulait mettre le pied hors du royaume (pas même pour y rentrer à l’instant par une autre frontière), qu’il tenait absolument à n’en point sortir.

Les rois ont une religion spéciale ; ils sont dévoués à la royauté. Leur personne est une hostie, leur palais est le Saint des saints, leurs serviteurs et domestiques ont un caractère sacré et quasi sacerdotal. Louis XVI fut sensiblement blessé dans cette religion par la scène qui eut lieu aux Tuileries, le 28 février au soir. La Fayette, à la tête de la garde nationale, venait de comprimer l’émeute de Vincennes et restait convaincu qu’elle était l’œuvre du château. Il revient aux Tuileries et les trouve pleines de gentilshommes armés, qui sont là sans pouvoir expliquer la cause de leur rassemblement. La garde nationale, émue encore et de très mauvaise humeur, ne montra pas pour ces nobles seigneurs les égards que des gens de leur sorte se croyaient en droit d’attendre. On leur ôta leurs épées, leurs pistolets, leurs poignards, on les baptisa d’un nom qui reviendra plus d’une fois dans la Révolution, chevaliers du poignard ; désarmés, sortant un à un, parmi les huées, quelques-uns d’entre eux reçurent de la brutalité des bourgeois armés quelques corrections fraternelles.

Louis XVI, le cœur bien gros pour ce défaut de respect, fut infiniment plus sensible encore à l’expulsion des prêtres non assermentés, qui, au printemps, durent quitter leurs églises. Il en reçut un grand