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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/495

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La reine influa encore d’une manière très funeste sur l’exécution du projet en choisissant pour agents non les plus capables, mais les plus dévoués à sa personne, ou les clients de sa famille, son fidèle M. de Fersen, son secrétaire Goguelat, qu’elle avait employé pour des missions fort secrètes près d’Esterhazy et autres, enfin le jeune Choiseul, d’une famille chère à l’Autriche, jeune homme aimable, plein de cœur, d’une très grande fortune, qui se faisait une fête de recevoir la reine royalement dans sa Lorraine, plus propre à la bien recevoir qu’à la sauver ou la conduire. M. de Bouillé voulut évidemment plaire à la reine en confiant à ce jeune homme un des rôles les plus importants dans l’affaire de l’évasion.

Ce voyage de Varennes fut un miracle d’imprudence[1]. Il suffit de bien poser ce que le bon sens voulait, puis de prendre le contraire ; en suivant cette méthode, si tous les Mémoires périssaient, on retrouverait l’histoire.

D’abord, deux ou trois mois d’avance, la reine, comme pour avertir du départ, fait commander un trousseau pour elle, pour ses enfants. Puis elle fait commander un magnifique nécessaire de voyage, semblable à celui qu’elle avait déjà, meuble compli-

  1. Monsieur, tout au contraire, fut sauvé très habilement. Mme de Balbi, femme d’esprit (sa maîtresse, s’il eût pu en avoir une), le décida à se confier à un jeune Gascon, d’Avaray, qui l’emmena dans un mauvais cabriolet. Il passa seul, et Madame par une autre route. (Relation d’un voyage à Coblentz, 1823.)