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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/57

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procès-verbaux d’une foule de ces fédérations des campagnes, et j’y vois le sentiment de la patrie éclater sous forme naïve, autant et plus vivement peut-être encore que dans les villes.

Plus de barrière entre les hommes. Il semble que les murs des villes ont tombé. Souvent les grandes fédérations urbaines vont se tenir dans les campagnes. Souvent les paysans, en bandes réglées, le maire et le curé en tête, viennent fraterniser dans les villes.

Tous en ordre, tous armés. La garde nationale, à cette époque, il ne faut pas l’oublier, c’est généralement tout le monde[1].

Tout le monde se met en branle, tout part comme

  1. Tout le monde sans exception dans les campagnes ; au milieu des terreurs paniques qui se renouvelèrent à chaque instant pendant plus d’une année, tous étaient armés, au moins d’instruments aratoires, et paraissaient ainsi armés aux revues, aux fêtes les plus solennelles.

    Dans les villes, l’organisation varia ; les comités permanents qui s’y formèrent à la nouvelle de la prise de la Bastille ouvrirent des registres où vinrent s’inscrire les hommes de bonne volonté de toutes les classes du peuple ; partout où il y avait danger, ces volontaires c’était absolument tout le monde sans exception.

    La malheureuse question de l’uniforme commença les divisions ; il se forma des corps d’élite, fort mal vus de tous les autres. L’uniforme fut de bonne heure exigé à Paris, et la garde nationale s’y trouva réduite à trente et quelques mille hommes. Partout ailleurs, il y avait peu d’uniformes ; tout au plus ajoutait-on un revers qui variait de couleur, selon chaque ville. Peu à peu dominèrent le bleu et le rouge. La proposition d’exiger l’uniforme par toute la France ne fut faite que le 18 juillet 1790. Le 28 avril 1791, l’Assemblée restreignit la qualité de garde national aux citoyens actifs ou électeurs primaires ; ces électeurs (qui, comme propriétaires ou locataires, payaient la valeur de trois journées de travail, estimées chacune 20 sols au plus) étaient au nombre d’environ quatre millions d’hommes. Sur ce nombre même, la majorité des travailleurs, et vivant au jour le jour, ne purent continuer l’énorme sacrifice de temps que demandait alors le service de la garde nationale.