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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/58

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au temps des croisades… Où vont-ils par groupes, villes et villes, villages et villages, provinces et provinces ? Quelle est donc la Jérusalem qui attire ainsi tout un peuple, l’attire, non hors de lui-même, mais l’unit, le concentre en lui ? C’est mieux que celle de Judée, c’est la Jérusalem des cœurs, la sainte unité fraternelle… la grande cité vivante, qui se bâtit d’hommes… En moins d’une année elle est faite… Et depuis, c’est la patrie.

Voilà ma route en ce troisième livre ; tous les obstacles du monde, les cris, les actes violents, les aigres disputes, me retarderont, mais ne me détourneront pas. Le 14 juillet m’a donné l’unanimité de Paris. Et l’autre 14 juillet va me donner tout à l’heure l’unanimité de la France.

Comment le vieil amour du peuple, le roi, fût-il resté seul hors de cet universel embrassement fraternel ? Il en fut le premier objet. On avait beau voir près de lui la reine toujours en larmes, triste et dure, ne nourrissant que rancune. On avait beau voir la pesante servitude où le tenaient ses scrupules de dévot, et la servitude aussi où sa nature matérielle le liait près de sa femme. On s’obstinait toujours à placer l’espoir en lui.

Chose ridicule à dire. La peur du 6 octobre avait fait une foule de royalistes. Ce réveil terrible, cette fantasmagorie nocturne avait profondément troublé les imaginations ; on se serrait près du roi. L’Assemblée d’abord. Jamais elle ne fut si bien pour lui. Elle avait eu peur ; dix jours après, ce fut encore