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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/80

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auxquelles descendaient les gens de cour devant ces grandes perruques ne tiraient pas à conséquence. Eux-mêmes en riaient ; parfois ils daignaient épouser leurs filles, leurs fortunes, pour se refaire. Les jeunes parlementaires, trop flattés de cette camaraderie, de ces alliances avec des gens de haute volée, tâchaient de leur ressembler, d’être, à leur image, d’aimables mauvais sujets, et, comme les copistes maladroits, dépassaient leurs maîtres. Ils quittaient leurs robes rouges, descendaient des fleurs de lys pour courir les petites maisons, les petits soupers, pour jouer la comédie.

Voilà où tombe la justice !… Triste histoire ! Au Moyen-âge, elle est matérielle, dans la terre et dans la race, dans le fief et dans le sang. Le seigneur, ou bien celui qui succède à tous, le seigneur des seigneurs, le roi dit : « La justice est à moi, je puis juger ou faire juger, par qui ? N’importe, par mon lieutenant quelconque, mon domestique, mon intendant, mon portier… Viens, je suis content de toi, je te donne une justice. » — Celui-ci en dit autant : « Je ne jugerai pas moi-même, je vendrai cette justice. » — Arrive le fils d’un marchand, qui achète, pour revendre, la chose sainte entre toutes : la justice passe de main en main, comme un effet de commerce, elle passe en héritage, en dot… Étrange apport d’une jeune épousée le droit de faire rompre et pendre !…

Hérédité, vénalité, privilège, exception, voilà les noms de la justice ! Et comment donc autrement