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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/81

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s’appellerait l’injustice ?… — Privilèges de personnes, jugées par qui elles veulent… — Et privilège de temps : Je te juge, à ma volonté, demain, dans dix ans, jamais… — Et privilège de lieu. De cent cinquante lieues et plus, le parlement vous attire ce pauvre diable qui plaide avec son seigneur ; qu’il se résigne, qu’il cède, je le lui conseille ; qu’il abandonne plutôt que de venir traîner des années peut-être, à Paris, dans la boue et la misère, à solliciter un arrêt des bons amis du seigneur.

Les parlements du dernier temps avaient, par des arrêtés non promulgués, mais avoués, exécutés fidèlement, pourvu à ne plus admettre dans leur sein que des nobles ou anoblis.

De là un affaiblissement déplorable dans la capacité. L’étude du droit, abaissée dans les écoles[1], faible chez les avocats, fut nulle chez les magistrats, chez ceux qui appliquaient le droit pour la vie ou pour la mort. Les compagnies demandaient peu qu’on fit preuve de science, si l’on prouvait la noblesse.

De là encore une conduite de plus en plus double et louche. Ces nobles magistrats sans cesse avancent et reculent. Ils crient pour la liberté ; Turgot vient, ils le repoussent. Ils crient : « Les États généraux ! » Le jour où on les leur donne, ils proposent de les

  1. Le vénérable M. Berryat Saint-Prix m’a souvent conté là-dessus des faits singuliers.

    L’ignorance et la routine deviennent chaque jour davantage le caractère des tribunaux. sur leur opposition systématique aux tentatives de d’Aguesseau pour ramener le droit de l’unité, voir la belle Histoire du droit français de M. Laferrière.