Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/104

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une lettre vertueuse, mais en même temps trop naïve et trop émue. Cette lettre, adorablement imprudente, est restée par cela même un monument inappréciable de la pureté de Madame Roland, de son inexpérience, de la virginité de cœur qu’elle conserva toujours… On ne peut lire qu’à genoux.

Rien ne m’a jamais plus surpris, touché… Quoi ! ce héros fut donc vraiment une femme ! Voilà donc un moment (l’unique) où ce grand courage a fléchi. La cuirasse du guerrier s’entr’ouvre, et c’est une femme qu’on voit, le sein blessé de Clorinde.

Bancal avait écrit aux Roland une lettre affectueuse, tendre, où il disait de cette union projetée : « Elle fera le charme de notre vie ; et nous ne serons pas inutiles à nos semblables. » Roland, alors à Lyon, envoya la lettre à sa femme. Elle était seule à la campagne ; l’été avait été très sec, la chaleur était forte, quoiqu’on fût déjà en octobre. Le tonnerre grondait, et pendant plusieurs jours il ne cessa point. Orage au ciel et sur la terre, orage de la passion, orage de la Révolution… De grands troubles sans doute allaient arriver, un flot inconnu d’événements qui devaient bientôt bouleverser les cœurs et les destinées ; dans ces grands moments d’attente, l’homme croit volontiers que c’est pour lui que Dieu tonne.

Madame Roland lut à peine, et elle fut inondée de larmes. Elle se mit à sa table sans savoir ce qu’elle écrirait ; elle écrivit son trouble même, ne cacha point qu’elle pleurait. C’était bien plus qu’un aveu