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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/105

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tendre. Mais, en même temps, cette excellente et courageuse femme, brisant son espoir, se faisait l’effort d’écrire : « Non, je ne suis point assurée de votre bonheur, je ne me pardonnerais point de l’avoir troublé. Je crois vous voir l’attacher à des moyens que je crois faux, à une espérance que je dois interdire. » Tout le reste est un mélange bien touchant de vertu, de passion, d’inconséquence ; de temps à autre, un accent mélancolique et je ne sais quelle sombre prévision du destin : « Quand est-ce que nous vous reverrons ?… Question que je me fais souvent et que je n’ose résoudre… Mais pourquoi chercher à pénétrer l’avenir que la nature a voulu nous cacher ? Laissons-le donc sous le voile imposant dont elle le couvre, puisqu’il ne nous est pas donné de le pénétrer ; nous n’avons sur lui qu’une sorte d’influence, elle est grande sans doute : c’est de préparer son bonheur par le sage emploi du présent… » — Et plus loin : « Il ne s’est point écoulé vingt-quatre heures dans la semaine que le tonnerre ne se soit fait entendre. Il vient encore de gronder. J’aime assez la teinte qu’il prête à nos campagnes, elle est auguste et sombre, mais elle serait terrible qu’elle ne m’inspirerait pas plus d’effroi… »

Bancal était sage et honnête. Bien triste, malgré l’hiver, il passa en Angleterre, et il y resta longtemps. Oserai-je le dire ? plus longtemps peut-être que Madame Roland ne l’eût voulu elle-même. Telle est l’inconséquence du cœur, même le plus ver-