Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/157

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faite le matin des deux hommes pris sous l’autel. Cette irritation aboutirait-elle à une grande explosion populaire ? Il n’y avait nulle apparence. Mais ces furieux Cordeliers le croyaient ainsi. Parmi eux, il y avait des hommes néfastes, qu’on ne voit qu’en de tels jours. Verrières y était, selon toute apparence ; Fournier y fut certainement. Le premier, figure fantastique, l’affreux bossu du 6 octobre. Le 16 juillet au soir, ce nain sanguinaire, monté sur un grand cheval, avec de grands gestes effrayants, avait cavalcadé dans Paris, véritable apparition de l’Apocalypse. L’autre n’avait ni mots ni gestes, il ne savait que frapper ; c’était un homme déterminé, d’une âme violente, atroce, l’Auvergnat Fournier, dit l’Américain. Piqueur de nègres à Saint-Domingue, puis négociant, ruiné, aigri par un injuste procès, il avait fatigué en vain de ses pétitions l’Assemblée des notables et l’Assemblée constituante : celle-ci, menée par les planteurs, tels que les Lameth, par Barnave, ami des planteurs, avait définitivement repoussé la dernière pétition de Fournier, un mois à peine avant juillet. Dès lors on vit cet homme partout où l’on pouvait tuer : il se mêla aux plus terribles tragédies des rues, sans ambition, sans haine personnelle, mais par haine de l’espèce humaine, et comme amateur du sang. Après la Révolution, il retourna à Saint-Domingue ; il continua de tuer, mais des Anglais de préférence, et brilla comme corsaire.

Les premières troupes entraient à peine au Champ