Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/180

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égoïste : « Il songe trop à lui-même pour aimer la liberté. »

On se trompait en réalité sur l’audace des vainqueurs. On leur attribuait une préméditation, un plan, un calcul, qui leur étaient étrangers. Cette nuit même, ils étaient aux Feuillants et dans les bureaux de l’Assemblée, consternés du pas sanglant qu’ils venaient de faire au profit des royalistes. Un pas de plus, ils se trouvaient, eux, les constitutionnels, avoir brisé la constitution, la Révolution, eux-mêmes. Ce pas, d’André, ingénument, simplement, leur conseillait de le faire ; c’était de fermer les clubs. L’avis un moment prévalut. On cloua la porte des Cordeliers ; on garda celle des Jacobins. Mais Duport, mais La Fayette, réclamèrent au nom des principes. Duport, qui primitivement avait fondé les Jacobins, qui croyait les avoir transférés aux Feuillants, et qui comptait toujours, par cette puissante machine, ramener l’opinion, déclarait ne vouloir nulle force que celle de la raison et de la parole.

Le sang versé embarrassait. Pour atténuer l’effet, on supposa une romanesque conspiration, sans la moindre vraisemblance, qu’auraient formée des étrangers, Rotondo, le maître de langues, un banquier juif, Éphraïm, l’innocent orateur du Cercle social, Mme Palm-Aelder, et quelques autres encore. Le peuple était impeccable ; le bon, l’honnête, le digne peuple de Paris ne pouvait être accusé ; des étrangers seuls avaient pu, etc.