Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/225

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les têtes, pour faire des folles et des fous. Cette instruction fut colportée partout discrètement par les sœurs grises du pays, les Filles de la sagesse, dangereux agents, qui, d’hôpital en hôpital, et tout en soignant les malades, répandaient cette horrible maladie de la guerre civile. Le point principal de l’instruction était d’établir un sévère cordon sanitaire entre les assermentés et les non assermentés, une séparation qui donnât au peuple peur de gagner la peste spirituelle. C’était aux enterrements surtout que la mise en scène était dramatique. Dans la maison mortuaire, portes, croisées, volets fermés, le saint prêtre entrait vers le soir, disait la prière des morts, bénissait le défunt, au milieu de la famille à genoux. Celle-ci, on le lui permettait, portait le mort à l’église ; pleine de répugnance et d’horreur, elle s’arrêtait avant le seuil, et dès que les prêtres constitutionnels venaient pour introduire le corps, les parents fuyaient en larmes, laissant avec désespoir leur mort livré aux prières maudites.

Plus tard, l’instruction secrète ne leur permit plus même de l’amener à l’église. « Si l’ancien curé ne peut l’enterrer, dit-elle, que les parents ou amis l’enterrent en secret. » Dangereuse autorisation, impie et sauvage ! L’affreuse scène d’Young, obligé d’enterrer lui-même sa fille, pendant la nuit, d’emporter le corps glacé dans ses bras tremblants, de creuser pour elle la fosse, de jeter la terre sur elle (ô douleur !), cette scène se renouvela bien des