Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/238

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breuse intrigue des prêtres, ils acceptaient la nécessité de l’inquisition jacobine, — et en même temps l’autre moyen de salut, l’acquisition des biens ecclésiastiques. Acheter, diviser, subdiviser les biens du clergé, c’était faire à la contre-révolution la plus mortelle guerre. Beaucoup achetaient avec fureur et se croyaient d’autant meilleurs citoyens qu’ils achetaient davantage. Le danger de l’opération les séduisait, et l’odieux même qu’on s’efforçait d’y jeter. Ils voulaient périr, s’il le fallait, avec la Révolution, et ils s’y enrichissaient ; ils se précipitaient, nouveaux Curtius, au gouffre de la fortune.

Plusieurs achetaient par devoir. L’honnête et austère Cambon établit, en 1796, qu’entré aux affaires avec six mille livres de rentes, il en sort avec trois mille. Il avait cru faire acte de patriote en achetant un domaine national, près de Montpellier. Il se maria à Paris et il épousa une femme dont la dot était aussi un bien national.

Ainsi se formait une base solide pour le système nouveau, une masse d’hommes liés par le dogme et par l’intérêt, fondant leur patriotisme dans la terre et dans l’idée, ayant leur double vie dans la Révolution, tout en elle et rien hors d’elle. Noyau fixe et ferme, autour duquel l’homme d’imagination, l’homme de sensibilité, l’enthousiaste mobile, allaient et venaient. Tel était six mois fanatique, tel un an ; tel s’arrêtait et tel autre allait plus loin.