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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/237

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Leur frayeur s’explique d’un mot : les Jacobins se font acquéreurs, les acquéreurs se font Jacobins.

Et dans quel progrès rapide s’opère cette double action !… Rapprochons les chiffres.

D’avril en août, vente des biens nationaux pour huit cents millions. La vente totale est de un milliard.

En août et septembre, création de six cents nouvelles sociétés jacobines. Ajoutez les quatre cents anciennes, elles sont, dit-on, mille en tout à la fin de septembre.

Et ces sociétés sont moins redoutables encore par leur multiplication que par leur nouveau caractère. Elles perdent ce qu’elles avaient d’abord, si j’ose dire, d’académique, de vaguement philosophique ; elles deviennent sérieuses, âpres, violemment tendues vers le but. Elles rejettent les modérés, les demi-révolutionnaires, les hommes déjà las de la Révolution. Et à leur place elles mettent deux classes d’hommes très ardents.

Des hommes d’affaires et d’intérêt, engagés à mort dans cette dangereuse exploitation des biens nationaux, se relevaient à leurs propres yeux par le fanatisme, surveillaient d’un œil de lynx la trame embrouillée de la Révolution, mettaient au service de la cause des idées l’âpreté persévérante du spéculateur en péril.

D’autre part, de purs, d’ardents patriotes, en qui les idées avaient précédé l’intérêt et le dominèrent toujours, subissaient les conditions hors desquelles la Révolution eût péri. Contre l’immense et téné-