Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/294

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Ce fut cet infortuné Lescuyer qui, dans ce jour mémorable, arracha des murs d’Avignon les décrets pontificaux. Lescuyer était un Français, un Picard, ardent, et avec cela réfléchi, plus capable d’idées suivies que ses furieux associés. Il n’était pas jeune. Établi depuis longtemps à Avignon en qualité de notaire, il n’avait aucun préjugé contre le gouvernement pontifical ; il adressa, dans une occasion publique, des vers spirituels au légat (1774). Mais, quand il connut l’horreur de ce gouvernement vénal, de la tyrannie des prêtres et des maîtresses des prêtres, de leurs agents italiens, de leurs courtiers de justice, qui vendaient aux débiteurs le droit de ne pas payer, qui même, à un prix convenu, s’engageaient à faire rendre telle ordonnance pour faire gagner tel procès, quand il vit l’absence absolue de garantie, les procédures d’inquisition, la torture et l’estrapade, etc., alors il retourna les yeux vers sa patrie, la France, il appela le jour où la France, affranchie, affranchirait Avignon.

Cent fois le parlement d’Aix avait rappelé à nos rois la nullité du titre des papes. Ce malheureux pays avait été non vendu, mais donné par Jeanne de Naples, une toute jeune femme mineure, pour l’absolution d’un assassinat qu’avaient commis ses amants. Devenue majeure, elle réclama contre la cession et affirma qu’elle était involontaire, arrachée à sa faiblesse.

Qu’importait, d’ailleurs, cette vieille histoire ? Ce droit eût-il été bon, le pape devait encore le perdre,