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officier municipal en août : c’étaient les plus distingués ; les autres étaient gens de petits métiers, ouvriers, ouvrières en soie, des boulangers, des tonneliers, des couturières ou blanchisseuses, deux paysans, un manœuvre, un mendiant même. Des femmes, il y en avait deux enceintes.

On s’arrêta à l’idée de jugement ; on fit siéger dans une salle du palais les administrateurs provisoires de la ville pour juger les prisonniers. C’est à eux que Jourdan envoyait ceux qu’on arrêtait encore, une femme, par exemple, qu’il sauva, à un coin d’une rue, de ceux qui voulaient la tuer.

Ces administrateurs étaient, outre le greffier Raphel, un prêtre de langue populacière, grand braillard de carrefour, Barbe Savournin de la Rocca, auquel on avait adjoint trois ou quatre pauvres diables, un boulanger, un charcutier, qui n’avaient osé refuser. Duprat était là, menaçant et sombre, pour les surveiller et voir comment ils marcheraient. La première personne qu’on leur amena, une femme, la Auberte, la femme d’un menuisier, fut interrogée doucement, et en l’envoyant en prison ils recommandèrent qu’on eût bien soin d’elle. Si la chose allait ainsi, Duprat et les autres, qui voyaient dans le massacre et la terreur la seule voie de salut, n’avaient rien à espérer. L’un d’eux, un moment après (il était neuf heures du soir), entre furieux, du sang au front, il frappe sur la table et crie : « Cette fois-ci, il ne faut pas qu’il s’en sauve un seul ; le sang