mobilier de l’Inquisition est là, heureusement conservé, la chaudière est prête encore, le four attend, dans lequel rougissait le fer des tortures, les souterrains, les oubliettes, les sombres passages cachés dans l’épaisseur des murs, ce qu’on a ailleurs caché et nié, tout cela se voit ici ; on n’y a pas plaint la dépense, ni le soin, ni l’art. La torture y est artiste. On voit bien que ce n’est point barbarie, fureur passagère ; c’est une guerre systématique contre la pensée humaine, savamment organisée, triomphalement étalée.
Tout cela c’est le palais. Au dehors, tout est informe, c’est un monstrueux château fort. Une gigantesque tour, qui n’est ni bien carrée ni ronde, Trouillas ou la Glacière, s’allonge pour voir au loin. Babel affreuse que bâtit, dans son orgueil, le pape qui, le premier, n’ayant ni sujet ni terre, se donna la triple couronne. Trouillas, c’est la Tour du Pressoir ; peut-être dans l’origine fut-elle le pressoir féodal. Mais, de bonne heure, elle fut un pressoir d’hommes, une prison à presser la chair humaine. Au plus haut et au plus bas, comme dans tout ancien château fort, on mettait des prisonniers. L’ami de Pétrarque, le tribun de Rome, Rienzi, enfermé au sommet, parmi le sifflement de l’éternelle bise, put à loisir méditer sur sa folle confiance au pape. Le fond, l’abîme de la tour, sans autre ouverture qu’une trappe à l’étage du milieu, fut-il un vaste cachot ? un charnier ? On doit le croire, c’est l’opinion du pays. Une tradition d’Avignon,