Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/335

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par les cris affreux qu’elle venait d’entendre. Malade, elle était sur son lit. L’un d’eux lui dit durement : « Levez-vous ; vos amis sont morts, et votre fils, tous les prisonniers ; c’est maintenant votre tour… Où sont vos bijoux ? » Elle se leva, s’habilla, remit ses boucles d’oreilles, ses anneaux. Elle reconnut parmi eux un jeune menuisier, Belley, et le supplia, lui disant que s’il voulait la sauver, elle lui ferait des rentes, à lui et aux autres. À quoi Belley répondit : « Je ne veux pas me faire pendre pour vous. » On la fit descendre à la cour et on lui porta un coup… « Va trouver ton abbé Mulot. — Seigneur ! miséricorde, mon Dieu ! » criait-elle. — Puis, tout à coup, elle vit un corps à la lueur des torches : « Ah ! mon bel enfant ! » C’était le corps de son fils. Elle fut tuée très cruellement.

Les femmes, pour la plupart, étaient jetées, râlantes et mourantes, sur l’escalier que j’ai dit. Mais tous les hommes, immédiatement traînés par les pieds, furent précipités, à mesure qu’on les tuait, au fond de la tour Trouillas. Plusieurs d’entre eux, blessés, meurtris par une chute de soixante pieds, y arrivaient encore vivants. Neuf femmes, précipitées à quatre heures par-dessus les hommes, durent les assommer dans leur chute.

Les cris entendus la nuit, les bruits qui se répandaient sur l’affreuse exécution, avaient glacé de stupeur. On commença à croire les meurtriers bien nombreux, puisqu’ils avaient osé cela ; ils le devinrent en effet. Tous les soldats de Jourdan reparurent