en foule. Une cérémonie, lugubre, l’enterrement de Lescuyer, qui eut lieu dans l’après-midi, leur donna occasion de se montrer dans les rangs. Ce fut une armée entière qui traversa Avignon.
On fit parcourir au convoi une grande partie de la ville. Malgré l’état repoussant, impossible à regarder, où se trouvait le cadavre, n’offrant qu’une masse sanglante, on l’enterra à visage découvert. L’abbé Savournin marchait à côté, avec toutes les contorsions d’un capucin frénétique, pleurant et criant vengeance. Mainvielle était effrayant ; sa douleur mélodramatique semblait mendier du sang. À chaque halte, il soulevait la tête du cadavre pour montrer ses lèvres hideusement découpées, puis s’échappait en sanglots et le laissait retomber.
Cette terrible fête de mort où figuraient, bien lavés, proprement vêtus de noir, les exécuteurs de la dernière nuit, semblait en promettre une autre. La ville était dans une affreuse prostration d’horreur et de peur, chacun s’attendait à tout, et disant : « N’est-ce pas moi ? » On fut trop heureux quand on sut que le nouveau massacre se bornait aux quatre personnes qui vivaient encore aux prisons. Il y avait deux hommes et deux femmes. L’un, l’abbé Nolhac, était un prêtre estimé, charitable, chez qui beaucoup de personnes mettaient de l’argent en dépôt ; c’est peut-être ce qui le perdit. L’autre était Rey, le portefaix, l’un de ceux qui avaient poussé au mouvement contre le pape. Il était d’une force et d’une adresse extraordinaires ; seul et sans armes, il lutta contre