Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/340

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avaient laissés froids. Le théâtre solennel du crime, l’horreur de cette affreuse tour, cet abîme où tombaient pêle-mêle les morts et les vivants, leurs longues plaintes et la pluie de feu qui leur fut versée dessus, tout cela prêta à l’événement une exécrable poésie. Il entra dans les mémoires par la voie la plus sûre, la peur. Il y fut ineffaçable. La tour de la Glacière s’inscrivit au souvenir effrayé des hommes près de la tour d’Ugolin.

Qu’il y reste, ce fait maudit, pour être à jamais déploré. C’est la première de ces hécatombes humaines où tombèrent sans distinction les révolutionnaires modérés et les adversaires de la Révolution, les amis de la liberté pêle-mêle avec ses ennemis.

Le massacre du 16 octobre est le hideux original des massacres de septembre. Ceux-ci, qui, un an après, semblent sortis d’un élan de fureur toute spontanée, n’en furent pas moins, pour les Méridionaux qui eurent tant de part à l’exécution, une imitation en grand du carnage de la Glacière. Plusieurs des bourreaux disaient être venus exprès pour enseigner leur méthode aux massacreurs de Paris.

Les suites de ces événements ont été incalculables. Ils ont créé contre la France innocente une cruelle objection. La Révolution allait au monde, les bras ouverts, naïve, aimante et bienfaisante, désintéressée, vraiment fraternelle. Le monde se reculait, le monde la repoussait d’un mot, toujours Septembre et la Glacière.